Bon, finalement, je poste un peu tard...
C'est que j'ai beaucoup écrit !!
La fin du 2è chap et le 3è en entier, ça vous va ?
*contente que mon "repas de famille" vous plaise !! Ca fait plaisir des posts aussi enthousiastes ! *§§§
_ NINA !!! Attends !!
Elle consent enfin à s’arrêter, après avoir presque couru pendant 20 minutes, au hasard dans les rues de Paris. Malo est essoufflée, se tient le ventre a deux mains. Sa jolie robe rouge est déchirée par endroit et ses escarpins ont quitté ses pieds depuis un bon moment déjà.
_ Je t’avais bien dit que tes escarpins servaient à rien à part te bousiller les pieds…
Nina se rapproche en pleurant, s’agrippe à la robe de Malo. Ses larmes salées lavent les pieds de la jeune fille. Malo s’accroupit et la prend dans ses bras.
_ Shhh… C’est rien. T’inquiètes pas pour moi.
_ Pardon… J’te porterais.
_ C’est pas mes pieds l’important. Ca t’a fait tant de mal, ce qu’il a dit ?
_ Oh, Malo… Si tu savais ! Ca me rend heureuse, et en même temps, ça fait tellement mal, ce désir d’enfant !!!
Nina sanglote sur les genoux de Malo, qui lui passe doucement sa main dans les cheveux…
_ Non… C’est moi qui suis désolée Ma Ninou… Je savais que ça viendrait sur le tapis. Je devrais pourtant le savoir, combien tu souffres d’être stérile… J’aurais pas dû te demander d’y aller. Pardonnes moi…
_ *snif *… Tu rigoles… ? Au moins, on est sorties en fanfare et en claquant la porte ! Rien que pour la tête qu’ils faisaient ça valait le coup d’y aller…
_ *rire de gorge * Tu perds jamais la foi, toi hein ? Peu importe combien de fois tu prends les coups, tu te relèves toujours…
Malo embrasse Nina… Longtemps.
_ On aura notre famille à nous. C’est promis.
Nina sourit. Puis brusquement, charge Malo sur son épaule et se met à courir.
_ Aah !! Mais où tu vas ?!! Lâche moi !! Ah ah ah ah ah !!!
_ On va retrouver Zitou et Luka !!!
_ Au « Ramsès » ? Comme ça ?! Mais pourquoooi ??
_ Pour leur annoncer qu’on se marie ! Accroche toi !!
§§§
VAGUE A L’AME
_ Salut Malo !! On te voit demain ?
_ Nan, c’est Kitulo qui prend la garde demain. Moi je bosse pas avant jeudi !!
_ Veinarde ! 4 jours de vacances !
_ C’est ça ouais. En attendant, de toutes les infirmières, c’est moi qui fais le plus de nuit et de weekends, alors j’t’interdis de m’appeler pour me dire que t’as foiré un truc !!! Compris ?!
_ Bien Chef !! A jeudi, Chef !!
Malo attrape ses clés et son blouson. Hume l’air frais de la nuit. Elle a prévenu Nina qu’elle rentrera très tard. Et sort de l’hôpital.
Droit devant elle, là où la guide ses pas.
Malo s’arrête un instant. Allume une cigarette et s’adosse à la gouttière qui court le long du mur de cette petite ruelle du Marais. Cul de sac tortillard, murs de briques qui s’élèvent de guingois, lierres au mur et autres fleurs au balcon. Et un seul réverbère dont la lumière faiblarde balaie le sol mouillé.
Malo aime cette petite rue. Ca lui rappelle les dédales du village de son enfance, qui débouchaient immanquablement sur les falaises. Et alors elle courait à perdre haleine dans les hautes herbes, jusqu’au bord du précipice pour regarder la mer se fracasser sur les rochers.
Ce soir, Malo a d’autres pensées en tête.
Comment faire ? Comment faire, pour aider Nina ?
Elle a décidé de porter leur enfant. Et si possible, sans avoir recours à un homme.
Mais tout est tellement cher…
Le froid se fait mordant.
_ Un café mademoiselle ?
_ Ah ! Merci…
On la connaît dans le coin. C’est là que se rencontrent la plupart des amis de Nina. Zitou et Luka, Nono, La Grande Sophie, la troupe de Kieran… PDs, tapettes, travelos, trans’ et autres noms d’oiseaux… Ils s’en foutent. Ici c’est le Marais, leur paradis à eux. A elles.
Malo n’aurait jamais cru tomber amoureuse d’une femme.
Et voilà qu’elle voulait porter l’enfant de Nina…
La vie a de drôles de détours, parfois.
_ Nina ? C’est toi ?
Le jeune homme qui la regarde ne lui rappelle rien. Il n’est même pas gay. Ca se voit, ça se sens. D’instinct, elle recule. Elle ne veut plus rien avoir à faire avec eux. Nina lui suffit.
_ Ben ça ! Si je m’attendais à te trouver ici…
La vie a de drôles de détours parfois !
Malo sursaute.
_ Déodat ? Tu… C’est… Mais qu’est-ce que tu fous là ?!!
_ Je travaille ici…
_ Quoi ?
_ Allez, viens à l’intérieur, tu me raconteras.
Déodat…
Le vent du large s’engouffre dans la tête de Malo.
Et comme la mer qu’elle aimait tant regarder, ses souvenirs remontent à la surface, brisés avec fracas contre la paroi de sa toute nouvelle vie.
Déodat…
Elle a l’impression de savoir à nouveau le goût de l’iode, le grain du sable, l’odeur du sel…
Déodat…
_ Deux cafés avec une goutte de rhum Ma Lulu !!
_ Ca roule mon mignon ! Table 7, vous serez tranquilles comme ça.
_ Merci.
Déodat l’emmène dans un recoin du bar, tandis que le barman, travesti vêtu d’un tablier à dentelle rose, prépare la commande.
_ Et ouala deux caafés pou ces messieu dam’
Il repart en rigolant, marchant à la manière chaloupée des africaines, les fesses en arrières et les mains sur les hanches. Malo sourit en touillant son café distraitement.
_ Tu disais que tu travaillais ici. Le phare ne te convenait plus ?
_ Non… Enfin… J’ai dû vendre le phare à la ville voisine, bien malgré moi. En arrivant à Paris, j’ai racheté ce ptit bar pour pas grand chose. Il tombait en ruine. Les anciens employés sont restés, et m’ont donné un coup de main. On a tout refait nous mêmes du sol au plafond.
Il est beau, hein ?
_ Oui… ca fait longtemps que tu est là ?
_ Presque 6 mois maintenant. Ca commence à bien marcher, je ne me plains pas. Et toi ?
_ Je suis infirmière… J’ai définitivement plaqué mes parents la semaine dernière, j’ai une femme formidable, j’habite chez elle et on a des projets de mariage. Si on peut, on fera ça l’année prochaine, en même temps que nos amis Luka et Zitou.
_ Zitou… Zacharie ??
_ Oui… Tu les connais ?
_ Pas personnellement. Mais tout le quartier parle de leur mariage !! C’est à croire que tout le Marais est invité à la noce…
_ Hum… Tu ne crois pas si bien dire…
_ Tu parlais de… ta femme ?
_ Nina… On s’est rencontrées il y a un an, à la Gay Pride.
_ Eh bien… La petite Malo a fait du chemin depuis notre Bretagne natale ! Si je m’étais attendu à ça… En tout cas, je suis très heureux pour toi.
_ … Merci. Venant de toi, ça fait beaucoup de bien.
_ … Alors… Les hommes… Je veux dire… Ca t’intéresse plus ?
_ Toi aussi, tu t’en souviens ?
_ J’aurais jamais pu oublier ça…
§§§
Ca…
Malo, 8 ans. Née un soir de tempête dans le creux des rochers, en bord de plage, avec la Mer furieuse comme accoucheuse. Déjà l’eau glacée, déjà le sel… La crique et ses eaux avait été son berceau jusqu’au matin.
Déodat, 9 ans. Né un après midi de grand vent, tout en haut du phare familial, sur la passerelle. Le Vent comme seul garde-fou quand sa mère épuisée était tombée dans le vide, brisant la barrière, manquant de l’entraîner avec lui.
Ca…
Leurs courses effrénées dans la ville basse, qui se terminaient sur la falaise.
Les roulades dans l’herbe verte.
Les baignades en mer et les sauts sur les rochers.
Et le phare…
Malo qui courait au phare les jours de grand vent, après la baignade.
Déodat qui se débrouillait toujours pour éloigner son père de la précieuse lanterne.
Leur course, dans l’escalier en colimaçon, effrénée, jusqu’à la passerelle.
Malo qui gagnait toujours, de peu.
Déodat qui arrivait juste derrière, au moment où le vent levé propulsait immanquablement les cheveux mouillés de Malo dans sa figure.
Le rire de Malo, qui tourbillonnait là, avant de se pencher plus que de raison sur la rambarde.
_ Regarde, regarde ! On voit la mer ! Là, tout en bas !
_ Malou !!! Fais attention, tu vas tomber !!
Déodat qui la ceinturait de ses bras, tandis qu’elle se relevait.
L’odeur de sel de ses cheveux mouillés où il enfouissait son visage…
_ Qu’est-ce que je vais faire moi, si tu tombe ?
_ Le vent me rattrapera toujours !
_ Il a pas rattrapé ma mère, ce jour là !
_ Il y a la Mer en bas… Toujours furieuse, toujours.
_ Justement, si tu te noies…
_ C’est ma Mer, elle ne me fera jamais de mal, ni à toi, ni à moi !
Malo qui se retournait contre lui et ses murmures, à son oreille.
_ C’est toi le Vent, Déo… Alors je ne tomberai pas.
_ …Toi, tu es comme la Mer… Toujours agitée…
_ C’est à cause du Vent. C’est le vent qui crée les vagues là, tout en bas.
_ Ces vagues fracassées que tu aimes tant…
_ Sans le Vent, c’est le calme plat. La Mer n’est pas vivante.
_ Sans la Mer avec laquelle il joue, le Vent reste invisible.
_ Alors le Vent a besoin de la Mer pour exister ?
_ Comme le garçon du phare qui est invisible pour ceux du village.
_ Heureusement que je suis là, alors ! Comme ton phare pour les marins !
_ Oui… Tu resteras toujours là, hein ?
_ Les falaises s’écroulent. Il n’y a qu’au phare où je pourrais toujours voir ces vagues…
_ Il y a beaucoup de phares en Bretagne.
_ Il n’y en a qu’un seul tenu par le Fils du Vent. Il n’y en a qu’un seul où Déodat est là…
Elle avait fait le tour du phare en courant, ce jour-là.
Elle était pieds nus et avait ri à ce moment là.
Pour la première fois, c’est le fracas de la Mer sur les rochers du bas qui résonnait en Déodat.
C’est le sifflement du Vent tourbillonnant dans les cheveux de Malo qui écartait les bras, ce jour-là.
Elle faisait l’albatros, comme lui.
Il s’était penché très bas, pour mieux entendre la mer.
La Mer avait rejoint le Vent.
Malo serrait Déodat.
_ Tu veux tomber ou quoi ?
_ Seulement si tu viens avec moi. Comme ça, j’aurais plus peur de la Mer qui m’a pris Maman
_ Dis pas des bêtises. Un phare sans Vent, c’est un phare sans vagues, et ça j’en veux pas.
_ D’accord. Mais alors tu m’embrasses.
_ Comme dans les films ?
_ Ouais. Et après, on ira à la crique, avant que P’pa revienne.
_ D’accord !
Un baiser qui sentait le sel et l’iode.
Un baiser fragile d’enfants qui s’aiment, juste vivants
Les cheveux mouillés de Malo sur la figure de Déodat.
Déodat dans les bras de Malo.
Le vent qui tourbillonnait aux jambes de Malo
Et le bris des vagues comme un encouragement.
Le gardien du phare était reparti sur la pointe des pieds jusqu’au village.
Heureux.
Le manoir des De Bois-Kermellec était à une demi-heure de marche.
Les enfants auraient plus de répit aujourd’hui.
§§§
Malo, être femme de gardien de phare, ça lui aurait convenu.
Mais les parents, à cet âge décident souvent différemment.
Le Vieux P’pa voulait donner une chance à leur bonheur.
Le baiser révélé engendra le malheur.
Mais jamais Déodat, ni Malo ne l’ont su.
_ Disons que les hommes et moi, c’est entre parenthèses. J’ai jamais eu beaucoup d’aventures, et ça toujours été des déceptions. Quant à mes parents… C’était pas génial leurs disputes en Bretagne, ça a empiré sur Paris. J’étais comme un coquillage vide quand j’ai rencontré Nina… Elle est un peu le Bernard-l’hermite qui s’est logé dedans.
_ Humm… Je comprends.
Tu sais… J’ai bien essayé de reprendre le phare, quand P’pa est mort… Il était… éteint, fatigué. Et bizarrement, ça a coïncidé avec ton départ… Faut dire que t’es partie tellement vite… Je crois qu’à lui aussi tu lui manquais. Mais bon… à 16 ans, avec un phare et une vie à gérer, entièrement tout seul, qu’est-ce que je pouvais faire ? Longtemps, j’ai voulu le garder, parce que je croyais bêtement que tu reviendrais… C’est idiot, hein ? S’accrocher comme ça à une promesse de gamin…
_ C’est pas idiot du tout… Moi, au début j’ai voulu m’échapper. Pas de mer, pas de vent, pas de verdure où courir… C’était l’asphyxie pour moi, Paris. Mais j’étais trop petite… et quand enfin j’ai atteint le stade où j’aurais pu m’échapper, c’était trop tard. J’étais déjà asphyxiée…
Putain de ville… Nina m’a fait venir ici, elle m’a montré tous ces gens…
Tu sais, je la respecte énormément. Comparée à moi, sa vie est une suite de calvaires, et pourtant, elle se relève toujours. Et avec le sourire en plus !
Même la semaine dernière…
Malo baisse les yeux sur son café froid.
Revoit Nina pleurer sur sa robe rouge… Nina ne pleure jamais…
Putain de parents…
_ Toi, il y a quelque chose qui ne va pas. Tu ne veux pas me le dire plutôt que de rester à ruminer ?
_ Nina… Elle veut un enfant. Mais elle peut pas. Elle pourra jamais. Elle le veut à tel point qu’elle en est malade… Et mes parents ont le don d’appuyer là où ça fait mal.
_ …
_ Et moi… Je peux plus la voir comme ça, ça me démoralise, ça me met le moral dans les chaussettes…
_ … J’t’écoute Malo…
_ Déo… Je vais porter son enfant. Je veux faire ça pour elle.
Elle… elle a jamais su ce c’est une famille. Elle n’a connu que l’Assistance.
J’te raconterais pas la suite… c’est trop…
Je te jure Déo ! Elle a vécu des atrocités, et pourtant elle est incroyablement forte…
_ …
_ … Ca sera notre bout d’chou à toutes les deux.
Mais je veux pas lui dire… pas pour le moment… Je le ferai quand ça sera bien en route.
Et puis il y autre chose aussi… Je veux pas faire ça avec un homme…
Tu comprends, j’aime Nina de tout mon cœur, alors si je devais… !
_ Calme-toi Malou, calme-toi !!
Je comprends parfaitement ce que tu éprouves, c’est tout à fait normal que tu ne veuilles pas la trahir…
_ Le problème, c’est que les techniques assistées prennent énormément de temps, et ça ne fonctionne pas toujours… Et c’est surtout très cher… J’ai pas les moyens…
_ Tu ne veux pas attendre un peu ? Prendre le temps de réfléchir ?
_ Nina n’attendra pas plus… Si tu l’avais vue pleurer… Je… *snif *
Elle ne pleure jamais, Déo,
jamais… !
Malo s’est effondrée sur la table, bras en croix. Sanglote.
Déodat se lève, tire doucement la chaise de Malo en arrière.
Sans un mot, comme avant, il la prend dans ses bras, doucement.
_ Ca va s’arranger, Malou, ça va s’arranger…
Je suis là, maintenant… Je vais t’aider, moi…
_ *snif * Toi ?
*snif * Qu’est-ce que tu peux faire toi ?
_ Toute sorte de choses… Je peux t’écouter, je peux te prêter de l’argent, je peux aller faire les démarches administratives avec toi, si tu veux… Ou même plus, si ça ne suffit pas…
_ … Déo *snif * …
_ Oui Malou ?
_ … T’es un chou… Je peux rester un peu dans tes bras ?
_ Autant que tu voudras Malou… Autant que tu voudras…
§§§